Du conclave du Palais de la Nation aux concertations
du Palais du Peuple :
MANŒUVRES DE REPRISE DU POUVOIR
Le peuple congolais avait placé un immense espoir dans
la Conférence Nationale Souveraine. Mais en se terminant en
queue de poisson, celle-ci révélait très tôt
ses limites, avant d’apparaître, avec le temps, comme un fiasco politique,
en dépit d’avancées indiscutables.
L’échec de la CNS est illustré avec éclat
dans le désordre institutionnel et le blocage qui se manifeste dès
le lendemain de sa clôture, malgré l’élection d’un
Premier Ministre, l’adoption de l’Acte de transition, le vote de différents
rapports et la mise sur pieds du HCR – PT.
Entre le 4 décembre 1992, date de la clôture de
la CNS et le 9 mars 1993, début du conclave du Palais de la Nation,
le pays connaîtra une crise particulièrement aiguë, que
l’on crut pouvoir surmonter par le biais de ces assises.
CONTEXTE ET ENJEUX
Sur le plan politique, la crise était institutionnelle à
travers le dysfonctionnement et le manque de collaborations entre les trois
organes de la transition, à savoir la Présidence, le Gouvernement
et le HCR–PT. Il faut rappeler ici les révocations par Mobutu
du Premier Ministre élu par la CNS, Etienne TSHISEKEDI.
L’intrusion des secrétaires généraux des ministères
chargés par Mobutu d’expédier les affaires courantes, l’impuissance
du HCR à imposer les dispositions de la CNS, les manœuvres d’intimidation
contre cet organe de la part de la Présidence, les dissensions au
sein de l’armée dont le Haut commandement fut remanié sur
fond d’ambition et de positionnement politique, sans oublier les divisions
de l’opposition.
Sur le plan politique toujours la crise était aussi constitutionnelle,
en raison des tiraillements entre la constitution amendée de la
IIe République, choisie par Mobutu et l’Acte de la Transition défendu
par le gouvernement. Par delà ces tiraillements couvait un
conflit de légitimité entre le HCR, parlement de transition
issu de la CNS, et l’Assemblée nationale de MOBUTU maintenue artificiellement
en vie par ce dernier.
Dans le domaine économique et social, la situation s’était
considérablement détérioré, surtout le conflit
du billet de 5 millions imposé par la hiérarchie de l’armée
et «démonétise » par le gouvernement, sans
oublier les pillages qui s’en suivirent en octobre 92 à Mbuji –
Mayi et Mbandaka et janvier 93 à Kinshasa. Les opérations
« ville morte » et la grève des fonctionnaires illustraient
et aggravaient la détérioration de la situation.
Face à l’affrontement entre les deux organes de la Transition,
Présidence et Gouvernement, le HCR fraéîchement élu
avait, le 26 décembre, proclamé une décision relative
à la situation du pays. Si le document impute à la
mouvance présidentielle la responsabilité du blocage institutionnel,
il n’en demande pas moins au Premier Ministre Tshisekedi de se montrer
plus coopératif en remaniant son gouvernement et de se conformer
aux dispositions tant de l’Acte Constitutionnel de la Transition que des
principes du compromis global. Or E. Tshisekedi, comme Mobutu, refusera
de se plier à l’ordre institué, mais pour des raisons spécifiques
: la reconnaissance préalable de cet ordre par le président
Mobutu.
Le blocage est donc total. Mais le HCR et son Président,
Monseigneur MONSENGWO ne baissent pas les bras. Le 16 février
le prélat rencontre Mobutu à GBADOLITE, et lendemain, il
fait rapport au HCR en dégageant les pistes qu’il croit susceptibles
de débloquer la situation :
- retrait du Chef de l’Etat et du Premier Ministre ;
- effacement du Chef de l’Etat ;
- effacement du Premier Ministre ;
- cohabitation des deux personnalités ;
Ici se révèle une caractéristique de la vie politique
congolaise, souvent réduite à des questions de personnes.
Des textes ont été votés, des mécanismes d’exercice
du pouvoir mis en place mais tout semble, brusquement se réduire
à des problèmes de tempérament ou d’incompatibilité
de personnes.
Le HCR opte évidemment pour la cohabitation et préconise,
à la suite de son Président, une rencontre politique supposée
réunir la Présidence de la République, le Premier
Ministre et les forces politiquement en présence.
Mais aucun accord ne pouvant être trouvé sur les objectifs,
l’organisation et le déroulement de la rencontre, celle–ci rester
au stade de vœu pieu.
DEROULEMENT
C’est alors que le Président Mobutu reprend l’initiative en convoquant,
au Palais de la Nation, un conclave du 9 au 18 mars. 258 délégués
sont présents, selon une représentation bien dosée
des provinces. Le HCR, l’Union Sacrée de l’oppo-sition ainsi
que le Gouvernement Tshisekedi sont absents de ces assises, qui se veulent
représentatives non pas des sensibilités politiques en présence
mais des provinces du pays.
Dans son discours d’ouverture le Président Mobutu assigne
trois objectifs à son conclave :
- mise sur pied d’un «gouvernement de Salut public appelé
à être une plate – forme de collaboration entre toutes les
forces politiques en présence » et «un creuset »
de la coexistence entre les différentes provinces du pays ;
- adoption d’un «acte constitutionnel unique » par l’harmonisation
des textes régissant la transition ;
- consensus sur les grandes échéances politiques : référendum
et élections générales.
Comme il était à prévoir, le conclave adopte une
série de résolutions et recommandations qui s’écar-tent
sensiblement des principales options de la CNS.
La période de la transition est fixée à douze mois,
à dater de l’adoption de l’Acte constitutionnel harmonisé.
Le conclave préconise la mise sur pieds d’une commission chargée
d’opérer l’harmonisation et de produire l’Acte.
Ce dernier serait soumis pour adoption à l’Assemblée nationale,
qui serait remise en selle comme organe de la transition aux côtés
du HCR réduit alors à «veiller à l’application
des Actes et Résolutions de la CNS dont il est l’émanation
».
Sur les élections, le conclave modifie également l’ordre
voulu par la CNS, en proposant, après le référendum
constitutionnel, des élections présidentielles d’abord, puis
dans l’ordre, provinciales, municipales, lo-cales.
Sur la nature du futur Etat aussi, le conclave s’éloigne de la
CNS en préconisant l’élaboration d’un projet de Constitution
instaurant d’un projet de Constitution instaurant un régime semi–présidentiel
et un «système intermédiaire ente l’Etat unitaire et
l’Etat fédéral »
Philémon MUKENDI
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