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LA COMMISSION CONSTITUTIONNELLE DE LULUABOURG
Un projet mort-né !

Ce n’est pas sans une certaine révérence que l’on parle de la Commission Constitutionnelle de Luluabourg et de son œuvre : la Constitution du 1er août 1964, présentée comme la première Constitution élaborée par des Congolais pour les Congolais. A 35 ans de distance, à l’aube du XXIè siècle, à la veille d’un Grand Débat Natio-nal, en plein processus d’élaboration d’une autre Constitution Congolaise, il n’est pas sans intérêt de revenir sur cette Commission de Luluabourg, dont le prestige historique demeure im-mense, pour en tirer des leçons pour le présent et pour l’avenir. 

Comme on  le sait, la Loi Fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo est l’œuvre des Chambres belges, à partir des résolutions de la Table Ronde politique belgo-congolaise.. Elle a été promulguée par le Roi des Belges Baudouin 1er selon la formule « Donné à Bruxelles, le 19 mai 1960 », avec le contreseing du Ministre du Congo Belge et du Rwanda-Urundi, M. De Schryver. 

Dès ce moment, les nationalistes congolais exprimèrent leur volonté que la Constitution définitive du Congo soit l’œuvre exclusive des Congolais eux-mêmes afin d’éviter toute survivance néocolonialiste. En fait, la Loi Fondamentale était destinée à servir de matrice à l’indépendance congolaise et à accompagner la naissance de l’Etat congolais. Juste le temps de s’affermir, la Nation se devait d’abandonner ces béquilles juridiques apprêtées par l’autorité coloniale. Du reste, la Loi Fondamentale elle-même, en son article 3, prévoyait que ses dispositions resteront en vigueur jusqu’à la mise en place des institutions publiques qui auront été organisées par la Constitution. 

Bien avant l’éclatement de la crise congolaise, la Loi Fondamentale faisait déjà l’objet de diverses critiques. On lui reprochait notamment l’artificialité de la subdivision du Congo en six provinces, la paralysie inhérente au caractère bicéphale de l’Exé-cutif, l’inadéquation de la répartition des pouvoirs et des compétences entre le Gouvernement Central et les provinces. Avec ses 258 articles, elle était d’une grande complexité et laissait par ailleurs de nombreux problèmes irrésolus, de même qu’elle entretenait des ambiguïtés et équivoques constitutionnelles. Vaguement inspirée par le modèle monarchique parlementaire belge, organisant un fédéralisme implicite et rampant saupoudré de quelques mécanismes unitaristes, la Loi fondamentale était déjà grosse et porteuse de tous les orages institutionnels.  Il fallait donc, après l’indépendance, reprendre l’écheveau constitutionnel et, dans un mouvement d’autochtonie ou d’inculturation constitutionnelle, arriver à doter le Congo d’une Constitution propre et adaptée. 
 

MISE SUR PIED D’UNE COMMISSION CONSTITUTIONNELLE GOUVERNEMENTALE  

A la suite des Conférences de Léopoldville (janvier 1961) et de Tananarive (mars 1961) qui discutèrent en particulier des structures de l’Etat et du nombre de provinces, la Conférence de Coquilhatville d’avril 1961 donna mandat au Premier Ministre Ileo de créer une Commission constitutionnelle gouvernementale. La présidence en fut confiée à Monsieur Lihau, Secrétaire d’Etat à la Justice et ancien membre du Collège des Commissaires Généraux mis en place par le colonel Mobutu lors de son premier coup de force le 14 septembre 1960. Il comprenait également trois autres universitaires : Tshibangu, Ndele et Mbeka. 

Après la réunion (Con-clave) du Parlement à Lovanium (juillet 1961), encouragée par l’ONU, le nouveau Premier Ministre C. Adoula maintint Lihau à la tête de la commission, tout en la rattachant à son Cabinet pour mieux en suivre les travaux. Après que le Sénat, craignant de ne jouer qu’un rôle consultatif et figuratif eût refusé de travailler avec la Commission gouvernementale, cette dernière se contenta de la seule collaboration de la sous-commission constitutionnelle de la Chambre des Représentants. En plus de cet apport parlementaire, la Commission bénéficia également des avis du Conseil de Législation du Ministère de la Justice et de certains professeurs de l’Université Lovanium. Un groupe d’experts étrangers (le Ministre de la Justice du Nigeria ; M. Gei-ger, professeur d’une école supérieure de commerce suisse ; M. Quaeri, professeur à l’Université de Naples), recrutés par l’ONU, fut chargé d’assister la Commission. 

Soucieux de répondre aux aspirations autonomistes des provinces et de favoriser la réintégration du Katanga, en sécession depuis le 11 juillet 1960, dans le giron congolais, les experts internationaux présentèrent un projet à orientation nettement fédéraliste qui n’obtint pas l’assentiment de la Com-mission gouvernementale. Dans une interview faite au Journal de Genève (fin mai 1962), M. Lihau ira jusqu’à dire que rien d’utile n’était pratiquement sorti de cette collaboration. 

Après l’échec des pourparlers avec Tshombe, M. Adoula publiera, en avril 1962, un mémorandum aux termes duquel le Gouvernement s’engageait à déposer devant les chambres législatives, dans un délai de deux mois, un projet de Constitution qui maintient l’unité de l’Etat, tout en assurant une large autonomie de gestion aux provinces. Fin juillet 1962, il adressait une note aux gouvernements et aux assemblées des provinces ainsi qu’aux groupes politiques les invitant à présenter leurs avis et desiderata sur les dispositions à inclure dans la Constitution. 

IMPLICATION DE L’ONU ET INSOUCIANCE DES DEUX CHAMBRES 

Pour sa part, le Secrétaire Général de l’ONU, M . U Thant, proposa, le 10 août 1962, un plan qui prévoyait l’élaboration d’une Constitution fédérale et l’adoption d’une répartition des revenus qui tienne compte des ressources et des besoins de l’ensemble des provinces. Largement influencée par le plan U Thant, l’équipe internationale d’experts, auxquels M. C. Adoula avait remis le projet gouvernemental en juillet 1962 avec pour mission de l’achever, déposera, le 27 septembre 1962, un projet de Constitution assez éloigné de celui du Gouvernement, ravalé au simple rang de document de consultation, parmi tant d’autres !  Endossant, sous une certaine pression occidentale, le projet des experts internationaux, Adoula le communiqua aux bureaux des deux Chambres le 13 octobre 1962 et, entre le 16 et le 23 octobre, à la Conférence des présidents provinciaux réunis à Léopoldville. Les autorités katangaises, pourtant invitées, n’y assistaient pas. 

Lors de la 5ème session ordinaire du Parlement ouverte le 5 novembre 1962, alors que le Président de la République avait recommandé l'examen de la question constitutionnelle, celle-ci prit fin sans que le point ait été abordé, au milieu d’une grande agitation politique caractérisée par une lutte ouverte entre l’opposition et le Gouvernement. 

Dans son discours inaugural, prononcé à l’occasion de l’ouverture solennelle de la 6ème session ordinaire du Parlement, le 23 mars 1963, le Président Kasa-Vubu recommanda aux parlementaires d’examiner en priorité l’avant-projet de Constitution de type fédéral élaboré par des experts internationaux et de l’adopter aux réalités particulières de notre pays. 

Mais, comme à l’accoutumée, le Parlement versa dans la bagatelle et le dérisoire : débats et vote au Sénat sur la suppression du journal « Le Progrès », interpellations et motions de censure à répétition, création de nouvelles provinces … 
Au début du mois d’avril 1963, le Parlement décida la création d’une Commission mixte Sénat-Chambre, chargée des travaux relatifs à la révision constitutionnelle, présidée conjointement par les Présidents des deux Assemblées, M. I. Kalonji pour le Sénat et M. Midiburo pour la Chambre. En réalité, elle fut présidée par ce dernier. Organisée sur la base du volontariat mais représentative de toutes les tendances, la Commission comptait 16 sénateurs et 28 députés. Ses travaux furent handicapés par l’absentéisme des membres et, dit-on aussi, par une certaine ignorance du droit constitutionnel. Aussi fut-il décidé qu’elle poursui-vrait ses travaux pendant les vacances parlementaires. Cependant, l’opposition entre  fédéralistes et unitaristes (M.N.C.L. et P.S.A.-Gizenga) minoritaires dans la Commission mais habiles dans l’obstruction, freina tout progrès. 
Pour toutes ces raisons, le Président Kasa-Vubu préféra, à quelques jours de la date constitutionnelle prévue pour la 7ème session ordinaire des Chambres, ouvrir, par Ordonnance n° 184 du 22 août 1963, une session extraordinaire et convoquer les Chambres en Assemblée Constituante pour une durée de cent jours, à dater du 31 avril 1963. Parmi les motifs avancés figurent le risque de voir la première législature prendre fin sans que les Chambres accomplissent leur tâche primordiale de pouvoir constituant et dotent le pays de la Constitution définitive dont dépend la stabilisation de sa vie politique ; la proximité des élections à tenir avant la fin du mois de juin 1964 et l’expérience des précédentes sessions (trois longues années) où les Chambres ont été absorbées par les activités législatives et parlementaires ordinaires. 

Certains parlementaires de l’opposition crièrent à la violation de la Loi Fondamentale. D’autres souhaitèrent poursuivre en même temps les travaux ordinaires des Chambres, de façon à réserver quelques séances aux motions de censure, sport favori des parlementaires. Divers problèmes de procédure contribuèrent également à ralentir les travaux de la Constituante. Jusqu’à la mi-septembre, les parlementaires en étaient encore à discuter : fallait t-il siéger séparément où les deux Chambres réunies ? à qui confier la présidence (Président du Sénat ou de la Chambre) en cas de réunion conjointe ? quel lieu choisir comme siège de la Constituante ? 

MISE EN CHANTIER DE LA CONSTITUANTE 

La tension croissante entre le Gouvernement et le Parlement poussa le Chef de l’Etat, devant la compromission des chances de réussite de la Constituante, après avoir déploré le fait que les préoccupations des parlementaires allaient à des questions partisanes et d’intérêt secondaire, à prendre l’Ordonnance n° 226 du 29 septembre 1963 clôturant la session parlementaire extraordinaire. Il congédiera ainsi les deux Chambres pour carence et impuissance, et désignera une Commission d’élaboration d’un projet de Constitution à soumettre au référendum. Le même jour, il prit une autre Ordonnance (n° 227) qui accordait au Président de la République, dans le souci de maintenir la continuité de l’Etat, l’exercice du pouvoir législatif par ordonnances-lois, jusqu’à la proclamation de la Constitution. 

A la publication des deux ordonnances du 29 septembre 1963, les partis d’opposition organisèrent des manifestations violentes contre le Gouvernement. Tout en approuvant la mise en congé du Parlement, les syndicats revendiquaient une réforme de régime et un gouvernement de salut public. Par l’Ordonnance n° 240 du 19 octobre 1963, la zone de Léopoldville fut déclarée en état d’exception et placée sous régime militaire. Des mesures d’interdiction furent  prises à l’endroit des partis nationalistes et leurs dirigeants arrêtés, de même que les responsables des principaux syndicats. Ceux des dirigeants de l’opposition qui ne furent pas arrêtés trouvèrent refuge à Brazzaville où ils créèrent le Conseil National de Libération (C.N.L.). C’est dans ce contexte que se prépare la tenue de la Commission constitutionnelle de Luluabourg. 

L’Ordonnance n° 226 du 29 septembre 1963 précisait que la Commission était chargée uniquement de discuter et d’élaborer le projet de Constitution (art. 1er), qu’elle disposait pour ce faire d’un délai maximum de cent jours à partir de sa première réunion (art. 4), et que le projet sera soumis à un référendum dans le délai d’un mois après son dépôt (art. 5). Les membres devaient être désignés par une ordonnance sur proposition du Conseil des Ministres (art. 2). 

Aux termes de l’Ordonnance n° 278 du 27 novem-bre 1963, la Commission était ainsi composée de : un président, membre du Gouvernement Central ; 4 représentants du Gouvernement Central : 42 représentants des assemblées provinciales (à raison de deux personnes par assemblée dont un chef coutumier) ; 42 représentants des gouvernements provinciaux (à raison de deux personnes par gouvernement) ; 12 représentants des travailleurs ; 16 représentants des employeurs ; 9 représentants des collectivités rurales, 2 du Conseil National de la jeunesse, 2 de la presse, 2 des associations d’étudiants, 6 des confessions religieuses (catholiques, protestants et kimbanguistes).  Soit au total 127 participants dont 93 provenant des provinces et milieux ruraux. 

Il y a lieu de noter l’absence des représentants officiels du Sénat et de la Chambre des Représentants ainsi que des partis politiques. Sans doute que les uns et les autres étaient tenus pour responsables de la faillite du Parlement dans sa mission de doter le pays d’une nouvelle Constitution. 

Notons au passage que l’Ordonnance n° 278 organi-sait un fort encadrement gouvernemental de la Commission : le Président est un membre du gouvernement Central ; le Secrétaire Général et les Secrétaires de la Commission ; sont nommés par le Premier Ministre ainsi que les rapporteurs des sous-commissions : fixation du règlement intérieur par Arrêté du Premier Ministre … La Commission devait siéger à huit clos, mais chaque semaine, son rapporteur était tenu de faire parvenir au Gouvernement un rapport sur les travaux de la Commission, avec en annexe les dispositions constitutionnelles adoptées au cours de la semaine (art. 12). En cas de divergences d’opinions, des textes séparés exprimant les diverses opinions devraient être transmis au Gouvernement qui choisirait alors celui des textes à incorporer dans le projet définitif de Constitution (art. 13). 

Fin 1963, pendant que se déclenchait la rébellion muleliste, Monsieur Joseph Ileo, Ministre d’Etat et ancien Président du Sénat, sera nommé Président de la Commission (Ord. N° 295 du 13 déc. 1963) et Monsieur Lihau Secrétaire Général. Les Ordonnances n° 316 du 30 décembre 1963 et n° 28 du 14 février 1964 donneront la liste des participants effectifs et de leurs suppléants. Les Ministres Bomboko (Justice), Maboti (Intérieur), Bamba (Finances) et Rudahindwa (Mines) y représentaient le Gouvernement. Entre-temps, le siège de la Commission avait été fixé à Luluabourg et la Commission convoquée pour le 10 janvier 1964 (Ord. n° 315 du 30 déc. 1963).   L’Union Générale des Etudiants Congolais (U.G.E.C.) qui, arguant de l’illégalité de la Commission, avait refusé de participer à ses travaux, fut désavouée par un groupe d’étudiants dénommé « Fédération des Etudiants Congolais » dont les délégués rejoignirent Luluabourg. 

DEBAT ET EMPOIGNADES 

Dès la première séance de travail, la Commission s’interrogea sur sa nature : simple commission consultative comme le laisserait entendre l’Ordonnance n° 278 ou véritable assemblée constituante, bénéficiant d’un mandat direct de la part de la Nation congolaise, comme le laissait supposer le discours inaugural du Chef de l’Etat ? 

Le problème de la légalité du Bureau imposé à la Commission par une ordonnance présidentielle, contrairement à la tradition des conférences du genre, fut également soulevé. Finalement, la Commission se plia à la force de l’ordonnance, mais tout en adoptant une résolution de confirmation du Bureau. 
Une fois le travail de la Commission terminé, le Gouvernement disposera-t-il du droit de l’amender avant de le soumettre au référendum ? Quel mode de vote adopter afin de rétablir l’équilibre entre les délégations représentant les pouvoirs publics et celles des organisations d’intérêt national ? Vote individuel par appel nominal ou vote par délégation ? Ayant décidé d’élaborer son propre règlement intérieur, en lieu et place du Gouvernement, la Commission attribuera une voix à chaque délégué des pouvoirs publics et deux voix aux autres délégués. 

La Commission se subdivisera en quatre sous-commissions : politique et administrative (33 membres dont Mgr. Malula, Rév. Kayumba   le  Kimbanguiste Luntadila et A. Kithima) ; judiciaire (23 membres dont le R.P. Ekwa) ; économique et sociale (30 membres dont Bo-Boliko) ; financière (24 membres). 

Au cours des débats, s’agissant de la forme de l’Etat, le principe de la répartition des compétences entre le Gouvernement Central et les provinces fut consacré sans problème. En revanche, les empoignades ont eu lieu lorsqu’il s’est agi de qualifier le régime mis en place. Pour les partisans du régime fédéral, la consécration du principe de répartition impliquait une prise de position en faveur du fédéralisme. Il ne restait plus qu’à introduire le terme « fédéral » dans la Constitution même, après avoir admis son contenu. Compte tenu de l’interprétation que les Congolais donnent aux concepts « fédéral » et « unitaire », les délégués des organisations syndicales, craignant la provocation des réactions psychologiques susceptibles de compromettre le succès du référendum, proposèrent que ni le terme « unitaire », ni l’expression « fédéral » ne figurent dans la Constitution. C’est ce qui explique que la Constitution de Luluabourg apparaît comme une Constitution fédérale à retardement, une Constitution à double cran ou une Constitution gigogne. Dans le texte de base, le mot « fédéral » fut systématiquement évité d’un bout à l’autre. Toutefois, l’article 178 disposait que le texte de  Constitution contenant la terminologie fédéraliste, annexé à la Constitution du 1er août 1964, entrera en vigueur au début de la troisième législature (soit vers 1972-73). 

Des débats très animés surgirent à l’occasion de l’examen du titre relatif aux finances publiques, opposant les représentants des provinces considérées comme riches (Katanga Oriental, Lualaba, Nord-Katanga, Bakwanga, Kongo Central) aux autres provinces. L’article consacré à la répartition des recettes fiscales accapara à lui seul les trois quarts du temps de travail de la sous-commission financière. 

Après deux jours de discussions sans issue en plénière, le compromis suivant fut obtenu : le produit des droits d’importation appartient à la République ; le produit des impôts personnels et des impôts sur les revenus appartient aux provinces intéressées ; le produit des droits d’exportation, des droits d’accise et de consommation nationaux et des impôts sur les sociétés est réparti entre la République et les provinces, la quote-part d’une province variant entre un minimum de 45% et un maximum de 75%, tandis que le produit de tous les autres impôts, droits et taxes appartient aux provinces ou aux collectivités locales (art. 146). 

POINTS SAILLANTS DE LA CONSTITUTION DE LULUABOURG 

La Constitution de Luluabourg consacre un fédéralisme plus accentué que dans la Loi Fondamentale. Alors que dans la Loi Fondamentale, les matières résiduelles ressortaient de la compétence concurrente du pouvoir central et des provinces, dans la Constitution de Luluabourg, elles sont attribuées aux provinces exclusivement. 

En ce qui concerne la structure des pouvoirs, désormais le pouvoir exécutif est entre les mains du Président de la République qualifié de « Chef de l’Exécutif Central », chargé de « déterminer et conduire la politique de l’Etat », de « fixer le cadre de l’action du Gouvernement et d’informer le Parlement de son évolution » (art. 54). Il nomme et révoque le Premier ministre et les Ministres, sur proposition du Premier ministre. 

Le bicaméralisme est maintenu (Sénat et Chambre des députés), mais pour assurer la stabilité du Gouvernement, la motion de censure est supprimée. Désormais, le Parlement doit apprendre à se contenter de la question orale ou écrite, l’interpellation, l’audition par les commissions, la commission d’enquête, l’avertissement ou la remontrance (art. 69). 

En corollaire, le pouvoir exécutif perd le droit de dissoudre le Parlement. La disparition de la motion de censure et du droit de dissolution ainsi que le fait que « le Premier Ministre dirige l’action du Gouvernement Central dans le cadre du programme tracé et des décisions prises par le Président de la République » (art. 68) font penser à un régime présidentiel dont Patrice-Emery Lumumba souhaitait l’avènement. 

Cependant, d’autres analystes dont A.R. Ilunga, B. Kalonji, B. Verhaegen et  A. Wembi, se fondant en particulier sur l’élection du Président de la République au suffrage universel indirect (collège électoral élargi) et sa participation à la législation (initiative des lois) préfèrent parler d’un régime hybride. Quant à M. I. Ndaywel, il y voit facilement un régime parlementaire du fait du choix du Premier Ministre dans la majorité parlementaire. Mais était-il constitutionnellement tenu d’opérer un tel choix ? 

S’il est vrai que l’acte de nomination des membres du Gouvernement devait être soumis à l’approbation du Congrès National (chambres réunies du Parlement), ce qui nécessitait l’appui de la majorité parlementaire, il n’en demeure pas moins que, pour le reste, la période post-investiture,  l’existence du Gouvernement dépendai du seul Chef de l’Etat. Alors, autant parler de présidentialisme mitigé ! A moins d’y trouver les traits d’un régime « semi-présidentialiste » (P. Dabin) ! 
 

 

UNE CONSTITUTION DANS UN CLIMAT DE CONFLIT 

Sur le sort à réserver au projet de Constitution adopté par la Commission de Luluabourg, deux thèses s’affrontèrent. Pour le Premier Ministre C. Adoula, le Gouvernement étant constitutionnellement responsable de l’exécution de tous les actes posés par le Chef de l’Etat, y compris l’organisation du référendum, il ne peut procéder en toute responsabilité à cette tâche sans avoir vu et, au besoin, revu le projet de Luluabourg. Il alla jusqu’à rappeler que la Commission constitutionnelle était « l’enfant du Gouvernement ». 

A ces intentions du Gouvernement, les membres de la Commission, y compris son Président Ileo, réagirent vigoureusement, affirmant que leur projet ne pouvait être amendé, sinon ils dégageraient leur responsabilité et le référendum serait compromis. Pour la Commission, le travail accompli reflétait l’opinion de la Nation, dont celle du Gouvernement Central lui-même. 

Face au risque d’ouvrir un conflit qui ferait le jeu du CNL et d’autres mouvements hostiles au gouvernement, un consensus fut obtenu selon lequel le Gouvernement cautionnerait le projet avant de le présenter au Chef de l’Etat pour le référendum, à organiser avant le 30 juin 1964, mais sans l’amender. Un Comité de référendum fut constitué par Ordonnance n° 121 du 1er mai 1964 chargé d’assister le Gouvernement. En faisaient partie notam-ment A. Bo-Boliko et J. Bomboko. 

Arguant de leur non consultation, les membres de certains partis nationalistes (MNC-L aile Kiwewa, PANACO, PUNA, UNIBAT, BALUBAKAT ...) manifestèrent leur opposition au projet de Constitution. Les leaders du CNL basés à Brazzaville et à Bujumbura soulevèrent l’illégalité de la Commission de Luluabourg, en rejetant tout le travail en bloc. En revanche, les évêques catholiques exhortèrent les fidèles à participer au référendum, en soulignant que le projet respecte les droits de Dieu et de la personne humaine et qu’ils peuvent l’approuver en toute sûreté de conscience. 

En définitive, le référendum eut lieu du 25 juin au 10 juillet 1964. Dans son appel au peuple congolais du 29 juin 1964, le Comité du référendum résumait ainsi, de façon lapidaire, l’enjeu : « Voter Non, c’est accepter que la Loi Fondamentale avec ses désordres et confusion politiques continue à nous régir, tandis qu’en votant Oui, c’est doter notre pays de la Constitution élaborée par les Congolais à Luluabourg ». 

En fin de compte, la Constitution fut adoptée par 88,84% des Oui, contre 9,79% des Non et 1,37% des bulletins nuls. Elle fut promulguée par le Président Kasa-Vubu le 1er août 1964, avec les contreseings du Premier Ministre Tshombe ainsi que des Ministres de l’Intérieur (G. Munongo) et de la Justice (L. Mamboleo). 

C. Adoula ne figure pas parmi les signataires parce que, au 30 juin 1964, tirant la conséquence de l’expiration de la première législature, il remettait la démission de son Gouvernement au Président Kasa-Vubu. Le 9 juillet 1964, il était remplacé par le Gou-vernement de transition de M. Tshombe, soutenu par une partie du C.N.L. et par le Groupe de Binza (Mobutu, Bomboko, Nendaka ..). Malgré l’installation à Stanleyville d’un gouvernement de la République Populaire du Congo, Tshombe arrivera à écraser la rébellion avec l’aide des mercenaires, des Belges et des Américains. Ne subsisteront que quelques poches de résistance, dont celle de L.D. Kabila., l’actuel Président de la République 

Fort de son succès, M. Tshombe entreprend des actions politiques en fonction des élections législatives pré-vues pour mars 1965. La CONACO (Convention Nationale Congolaise regroupant 45 partis et associations) lui permet d’obtenir une majorité parlementaire. Mais la rivalité pour les présidentielles accroîtra la tension avec le Président Kasa-Vubu qui préférera le révoquer le 13 octobre 1965 et le remplacer par Evariste Kimba. Son Gouvernement n’obtiendra pas la confiance du Parle-ment le 14 novembre 1965, mais le Président Kasa-Vubu préféra le reconduire dans sa mission de formateur. 

C’est dans ce climat de conflit entre l’Exécutif et le Législatif que, le Lieutenant-Général J.D. Mobutu, qui fourbissait ses armes depuis longtemps, prendra le pouvoir le 24 novembre 1965. Le communiqué du Haut Commandement de l’A.N.C. diffusé à la Radio nationale annonçait la destitution du Président Kasa-Vubu, la fin de la mission de Kimba comme formateur du Gouvernement, la continuation du fonctionnement des institutions démocratiques de la République (Sénat, Chambre des Députés et institutions provinciales) telles que prévues par la Constitution du 1er août 1964. Le Colonel Mulamba était chargé de former un gouvernement représentatif d’union nationale. Très vite, le Parlement sera congédié et le 24 juin 1967 était promulguée la Constitution de la République Démocratique du Congo, abrogeant la Constitution du 1er août 1964 de Luluabourg, avec les contreseings des Ministres de l’Intérieur E. Tshisekedi et de la Justice J. N’Singa. Le reste de l’histoire lugubre de la IIe République est fort bien connu ! ? 

Professeur NTUMBA LUABA LUMU
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 

 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 

 
 

 
 
 
 
 

 
 
 
 

 
 
 
 

 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 

 
 

 
 

 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 

 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 

 
 
 

 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 

 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 

 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 

 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


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