Textes officiels - Informations pratiquesSommaire du Journal - Revue de Presse - Contactez-nous - Page d'accueil

Rupture

Le 16 mars 1999, le Chef de l'Etat, Mzee Laurent Désiré Kabila rencontre la presse nationale, pour un tour d'horizon sur la situation globale du pays. Une perspective de taille s'en dégage: le Débat National. L'idée est rapidement appuyée par la totalité des acteurs intéressés par le sort de la République Démocratique du Congo, de la classe politique nationale au Conseil de Sécurité de l'ONU, en passant par le Secrétaire Général de l'OUA et l'opinion publique congolaise. 

Cette première livraison du Journal du Débat National propose une rétrospective historique des diverses rencontres qui ont émaillé notre histoire et  qui nous livrent des leçons susceptibles de susciter la rupture régénératrice de la vie politique nationale. 
 
A travers les trois thèmes retenus, le Chef de l'Etat a circonscrit l'enjeu principal du Débat National. C'est cette mutation fondamentale qui donnerait aux mœurs politiques congolaises d'autres principes, d'autres pratiques et d'autres conceptions de l'intérêt national et de la citoyenneté. 

Citoyenneté, justement! Y a-t-il eu en République Démocratique du Congo terme aussi perverti, aussi dévoyé et aussi travesti ? La deuxième République s'était accoutumée à l'évoquer à tout propos et hors propos. L'heure est venue de donner à ce concept un contenu dynamique, conforme aux aspirations de notre peuple infantilisé pendant plus de trente ans par un pouvoir inique. 

Le régime scélérat de la Deuxième République n'a pas été un hasard de l'histoire.  Il avait été déployé dans ce pays si riche, jadis si florissant, en vue d'imposer, envers et contre tout, la certitude que le Congo ne disposait pas d'une réserve de forces culturelles et morales capables et suffisantes pour affronter le défi de la maîtrise du devenir national.  Il fallait donc présenter à la face du monde un Congo livré à des forces prédatrices à l'appétit sans limites, dépourvues de cortex. 

La cupidité sans vergogne et la corruption sans retenue des dirigeants de la Deuxième République ont fait de l'asservissement néo-colonial un véritable système de gouvernement. Mieux, un système de valeurs. Une des perversions de la IIe République a été de faire de l'homme politique non pas un adhérent à un projet et à un programme de redressement du pays, mais un individu en quête du pouvoir comme gagne-pain et opportunité de sinécure plantureuse aux frais du trésor public. 

Et naturellement, la négation et le mépris du peuple ne pouvaient qu'être consubstantiels à cet état d'esprit perfide. 
Ce peuple, devant une situation désespérée, dans la désespérance inhibitrice de l'inféodation, en proie à cette destinée funeste dite : naître, souffrir et mourir, ne représentait plus qu’une décadence usuelle et pitoyable d’un corps usé, qui retourne sous terre après une vie végétative, à la limite  de la bestialité. 

Le 17 mai 1997 a dit non à cette perspective suicidaire.  Non à ce suicide collectif entretenu par les Congolais qui incarnent les faiblesses de notre profil psychologique, complices de ces étrangers qui s’y appuient pour anéantir nos virtualités créatrices. 

En exhortant la patrie congolaise à proclamer solennellement le peuple comme source de la légitimité du pouvoir en République Démocratique du Congo, le Président Kabila, en réalité, convie la nation à opérer un sursaut cathartique. Ce défi est un véritable projet de civilisation. Il est question que le peuple congolais redevienne la mesure de toute chose. Qu’il soit situé au centre de tout ! Qu’il soit le baromètre de tout engagement politique, à partir duquel et à l’observation duquel les projets de société et les programmes politiques se construiront. Projet de civilisation, affirmons-nous… L’assertion trouve sa pleine justification lorsque le peuple, en devenant le prisme de la vie politique, fera du patriotisme une coercition mentale, et jettera les étais insubmersibles de l’indépendance nationale. Celle-ci étant fondamentalement une fonction de l’esprit avant d’être une réalité institutionnelle ou constitutionnelle. 

Il faut donc comprendre la Troisième République comme un espace de tête-à-tête avec nous-mêmes, de lutte contre les génuflexions insensées devant le néocolonialisme, contre les craintes et les pleurs puérils,  pour oser, avec l’outrecuidance d’un peuple guéri de toute soumission, une remise en cause de nous-mêmes  par nous-mêmes, pour le mieux-être national. 

Cette voie de la persévérance, de l’humilité, de la dignité et de la responsabilité n’a d’itinéraire que le volontarisme.  Car rien ne peut faire obstacle au déferlement de l’intelligence, de l’effort réparateur et de la volonté régénératrice d’un peuple en rupture avec la passivité, en divorce avec la résignation et décidé à redonner sens et vigueur à une vie nationale dont l’hymne s’intitule : « Debout Congolais ». 

Depuis un temps, une idée généreuse mais non moins dévastatrice semble vouloir apporter crédit au principe des injonctions étrangères :  c’est le respect des droits de l’homme. Paradoxe. Ce mot d’ordre devient exigence commode alors qu’il n’est évoqué que pour revendiquer la liberté de parole, la liberté de la presse, la liberté de réunions et d’activités politiques.  On en a fait le nouveau bas de laine du néocolonialisme en enfreignant la Charte Internationale des droits de l’homme qui, dans l’un de ses articles stipule : « Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ». 

Nous disons : les droits de l’homme commencent quand le peuple souverain est reconnu et respecté comme source de la légitimité du pouvoir. C’est seulement à ce prix que la République aura pignon sur rue, et que la nation aura des institutions fortes pour une démocratie viable. Et par ricochet, la société congolaise aura tourné la page des élans bellicistes en tout genre, de la rébellion à la sécession en passant par les coups d’Etat, les conflits ethniques ou d’autres barbaries inciviques. 

Loi fondamentale insubmersible mais 
perfectible, clef de la démocratie 

Avant la révolution du 17 mai 1999, le développement, la démocratie, la construction étatique et toute possibilité de prospérité économique et d’épanouissement social traduisaient un sentiment de fatalité vis-à-vis d’un destin réglé par d’autres, pour nous, comme si notre humanité devait se conjuguer en devoir de soumission sans aucune sorte de pouvoir d’action. D’où les dessaisissements des compétences, des intelligences et des volontés qui caractérisaient le système mobutiste, et qui tissaient l’opinion selon laquelle l’autodétermination et le patriotisme sont, au Congo, des causes  perdues. 

Lorsque le Président Kabila exprime l’ardent souhait que le projet de Constitution soit la conjonction des apports tous azimuts des Congolais, avant l’épreuve référendaire, il offre à la nation l’opportunité de récréer un nouvel humanisme, d’introduire la liberté dans la nécessité républicaine, de transformer la vie politique en un lieu privilégié de participation citoyenne effective, de résoudre la crise du principal instrument d’adhésion à un projet de bien-être collectif et de retrouver une justification constitutionnelle plus conforme à notre dignité et liberté. 

Ce défi est le chemin qui nous conduira à nous-mêmes, à nos propres gestes, à nos propres intérêts, à la constante révision de nous-mêmes, pour aller loin dans la création, dans l’innovation, dans le développement et dans cette force cohésive qui brise la censure de la pensée qu’entretient l’aliénation pour recréer l’équilibre dialectique de l’indépendance d’esprits et du développement. 

Faut-il rappeler que notre passé révèle une panoplie de rencontres et de raccommodements politiques, chaque fois générateurs de crises plus aiguës ?  L’enjeu du « Débat National » est de permettre au pays d’acquérir un texte solennel qui soit le patrimoine commun en ce qui concerne les droits fondamentaux et le bréviaire de valeurs nationales partagées. Si nous faisons preuve de responsabilité, il en  sortira une nouvelle culture constitutionnelle commune, qui favorisera la socialisation des esprits. Osons alors cette mutation civilisationnelle, cette rupture avec l’hégémonie des sentiments, des calculs et des caprices individuels, afin d’asseoir la vie politique sur des institutions fortes, des règles constantes, à travers une Constitution dans laquelle tous les Congolais se reconnaîtraient comme la boussole de leur évolution politique et sociale. 

Combattre la pluralité des individus et 
 promouvoir le pluralisme politique 

A force d’être perçue comme une exigence étrangère, la démocratisation, en Afrique, détruit l’esprit de démocratie. Et son essence, basée sur  le pluralisme qui postule la floraison de projets et programmes d’actions contradictoires, en quête du suffrage populaire, est gangrenée par la pluralité d’individus obnubilés par la logique du «partage équitable et équilibré du pouvoir ». Ainsi, on invoque, à tout bout de champs, « Gouvernement d’Union Nationale », « Gouvernement de Consensus National », comme si l’incohérence entre d’une part l’esprit démocratique qui prône le pluralisme et l’alternance, et d’autre  part la formule de Gouvernement d’Union Nationale qui supprime la sève même de la démocratie, qui veut que le pouvoir en place soit mis face à une alternative possible, constituerait une panacée. 

Voilà en quoi réside l’importance du troisième thème retenu pour le Débat National : le fonctionnement des partis politiques.  Qu’ils aient un enracinement national, qu’ils aient une idéologie et qu’ils fonctionnent rigoureusement, n’est-ce pas la condition même de la démocratie ? Alors la vie politique ne sera plus une parodie du pluralisme sous forme de gouvernement d’union nationale où plusieurs sonorités politiques se parlent entre elles dans le dos et sur le dos du peuple.  Cette vie politique deviendra une permanente confrontation d’idées, pour une expression érudite et plurielle du cortex national. La démocratie n’est-elle pas un jeu de l’alternance, où l’opposition existe et s’affirme comme chance de sursaut ? Au lieu de s’enfermer dans le piège du partage équitable sans critère et sans mandat populaire, acceptons et travaillons pour l’avènement d’un microcosme politique national où les acteurs politiques forgent leurs projets de société, leurs programmes d’actions pour obtenir l’adhésion et au besoin, le suffrage de leur auditeur commun : le peuple. 
 

Didier MUMENGI

 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 

 
 
 
 
 
 

 
 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 

 
 
 
 
 
 
 

 
 
 

 
 
 
 
 
 

 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 

 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 

 
 
 
 
 
 


Textes officiels - Informations pratiques - Sommaire du Journal - Revue de Presse - Contactez-nous - Page d'accueil