CONCERTATIONS EN RDC
DES
CONSENSUS RATES AU DEBAT NATIONAL
Au Congo, sept ans durant, la mauvaise foi des uns et la
duplicité des autres ont entretenu des malentendus préjudiciables
à l’avancée de la dé-mocratie et aux intérêts
de la population.
Alors que le régime de Mobutu croyait pouvoir se maintenir
intact par différents artifices, l’op-position s’imaginait qu’elle
pouvait arracher le pouvoir au même Mobutu au cours de la période
de transition de la II ème à la IIIème République.
Ainsi toutes les concertations organisées en vue de rechercher
un consensus au sein de la classe politique congolaise se sont transformées
en affrontements qui devaient consacrer un vainqueur et un vaincu, obligeant
ainsi les protagonistes de la crise congolaise à rechercher ultérieurement
un autre consensus.
LA CONFERENCE NATIONALE SOUVERAINE
Il y a eu ainsi la conférence nationale souveraine (CNS) dont
les travaux devaient instaurer un nouvel ordre politique, économique
et social, accepté par toutes les forces vives de la nation.
Un compromis politique global, intervenu entre les groupes politiques
présents à la CNS, devait en baliser la voie et faciliter
les travaux. Malgré cette précaution, Mobutu et ses
partisans ont fini, cependant, par estimer que l’Acte constutitionnel,
élaboré et voté par la CNS, trahissait l’esprit du
compromis politique global dans la mesure où il vidait le pouvoir
de Mobutu en transférant l’effectivité de celui – ci
au Premier Ministre Tshisekedi.
Ils ont ainsi décidé de quitter la CNS et de reduire,
par-là même, ce forum à un monologue de l’opposition
dont les conclusions ne pouvaient en aucun cas les engager. Alors
que la CNS dotait le pays d’une nouvelle constitution et désignait
unilatéralement les animateurs de nouvelles Institutions, Mobutu
ressortait sa constitution de 1967, fais fonctionner les Institutions politiques
antérieures, tout en neutralisant, par la force, le Premier Ministre
Tshisekedi.
L’attitude des uns et autres rendait impossible le dégagement
du consensus recherché par la CNS et obligeait les protagonistes
de la crise congolaise à rechercher une autre occasion de concertation
s’ils continuaient à croire à ce mode d’accession au pouvoir
qui nécessitait nécessairement l’accord de deux parties en
cause.
LE CONCLAVE DU PALAIS DE LA NATION
Cette occasion fut donnée à la classe politique congolaise
par la tenue du Conclave du Palais de la Nation au début de l’année
1993. C’était une initiative de Monseigneur Monsengwo, Président
de la CNS et du HCR (qui en était l’émanation) que semblait
soutenir également le Président Mobutu. L’objectif
était de ramener le pouvoir et l’opposition à la table des
négociations.
Au terme des contacts intervenus entre les partisans de Mobutu et les
leaders de l’opposition, il avait été entendu que, cette
fois-ci, Mobutu, qui ne s’était jamais rendu à la CNS, allait
s’impliquer personnellement dans les travaux du Palais de la Nation en
vue d’en garantir la bonne fin. Il était ainsi prévu que
le Président Mobutu prononce le discours d’ouverture d’une session
qui restait toutefois, sous la totale direction de Monseigneur Monsengwo.
Grande fut donc la surprise, dans les rangs de l’opposition, d’apprendre
(la veille de l’ouverture des travaux) que Mobutu aurait l’intention de
prononcer un discours dans lequel il fixait l’objet du Conclave et en annoncait
pratiquement les conclusions, sans référence aucune à
tout ce qui avait été arrêté par la CNS.
Ce schéma là ne pouvait manifestement pas mener au compromis.
Et l’opposition décida donc de ne pas participer à ce Conclave
qui se transforma automatiquement en une rencontre des mobutistes qui décidèrent
de réanimer les institutions de la IIème République
et de restituer à Mobutu le pouvoir qu’il détenait sous ce
régime.
Trois ans après la proclamation de la démocratisation
on revenait à la case départ ; avec cette différence
cependant que désormais, l’opposition existait, et qu’elle avait
sa constitution et ses institutions soutenues par le peuple et la communauté
internationale, et qu’en face d’elle Mobutu et ses partisans imposaient
par la force leur constitution et leurs institutions.
Il ne pouvait qu’y avoir plus grande confusion dans un pays qui désormais
fonctionnaient avec deux constitutions, deux Assemblées délibératrices
et deux gouvernements.
LES CONCERTATIONS DU PALAIS DU PEUPLE
Au plus fort de la crise de dédoublement des institutions, les
deux principaux protagonistes à savoir Mobutu et Tshisekedi, avaient
des positions claires mais contraires à ce qu’il convenait de faire
pour ramener la paix sociale au pays. En effet, Mobutu estimait qu’il
ne pouvait céder son pouvoir que s’il était battu aux élections,
tandis que Tshisekedi exhortait le peuple à renverser une dictature
qui n’avait que trop duré. On en revenait ainsi aux principaux
modes d’accession au pouvoir.
L’occident continuait pourtant à croire qu’une solution de compromis
entre les positions extrêmes était encore possible. L’essentiel,
estimait - ont, était de ramener les deux parties à la table
de négociations.
Ainsi seront organisées les concertations du Palais du Peuple
qui mettront face à face deux camps politiques, formellement structurés
: les Forces Politiques du Conclave (FPC) regroupant les partisans déclarés
du Président Mobutu et l’Union Sacrée de l’Opposition Radical
et ses alliés (USORAL) sensés soutenir le Premier Ministre
Tshisekedi.
En réalité, cependant, l’opposition, noyautée par
la mouvance présidentielle et infestée par le virus de la
division, était devenue un bateau incontrôlable qui ne pouvait
pas faire face avec efficacité à la machine de guerre déployée
par la mouvance présidentielle.
En effet, face à des négociateurs chevronnés des
FPC, l’USORAL alignait des combattants extrémistes qui se méfiaient
plus de leurs partenaires tièdes que des adversaires politiques
clairement définis. La bataille était ainsi perdue
à l’avance.
Les concertations du Palais du Peuple ont logiquement consacré
la victoire totale de Mobutu qui, en plus de l’armé et des services
de sécurité, obtenait la majorité dans l’organe délibérant
et disposait ainsi d’une main mise sur le gouvernement. Rien, désormais,
ne pouvait se faire sans la volonté de Mobutu qui n’avait plus qu’à
actionner sa majorité parlementaire pour régenter toute la
vie nationale. Et cela de la manière la plus démocratique
du monde. C’était une situation de frustration pour l’opposition
et de grand désespoir pour le peuple congolais qui ne voyait plus
d’issue à sa misère entretenue trois décennies durant
par un pouvoir illégitime et irresponsable.
LE DÉBAT NATIONAL
Depuis lors, il y a eu la guerre de libération menée avec
succès par l’AFDL qui a été accueilli dans l’allégresse
par toute la population congolaise heureuse de sortir de l’obscurantisme
mobutiste.
L’AFDL a engagé un processus électoral qui a été
interrompu par la guerre injuste et désastreuse qui nous est imposée
depuis le mois d’août 1998.
Et aujourd’hui, les commanditaires de cette guerre sortent, de nouveau
la fameuse formule du consensus pour exiger une table ronde de toutes les
forces politiques congolaises. Et en filigrane, on retrouve toujours
les mêmes préoccupations, à savoir organiser une nouvelle
transition politique avec partage du pouvoir entre le pouvoir et l’opposition.
C’est comme si l’expérience du passé récent de
notre pays n’avait servi à rien. En effet, si en des circonstances
meilleures, les politiciens congolais ont montré qu’ils étaient
incapables de mettre une sourdine à leurs différends, à
leurs ambitions, à leurs intérêts supérieurs
de la Nation, pourquoi croit–on que cela puisse changer aujourd’hui que
les relations se sont détériorées davantage entre
les protagonistes politiques congolais. Comment peut–on imaginer
que les partisans de Mzee KABILA, engagés dans une dynamique de
service en faveur du peuple et les groupes qui ont montré leur attachement
à servir les intérêts de l’occident, pourraient cohabiter
harmonieusement dans un gouvernement de transition qui, de toute évidence,
serait traversé par des forts courants contradictoires. Peut–on
imaginer la coexistence pacifique, comme par magie, au sein d’un
même gouvernement des factions politiques qui se font aujourd’hui
la guerre à l’Est du pays et dans l’Equateur ? De toute
évidence non. Engagées dans une gestion commune d’une
éventuelle transition politique, ces factions passeraient leurs
temps à se piéger et à se disqualifier au détriment
des intérêts de la population qu’elles sont sensées
servir.
Les projets de société des uns et des autres sont divergents
et même contradictoires et nécessitent que le peuple opère
un choix clair et précis, et que la force politique qui aura sa
préférence prenne en mains les destinées du pays pour
traduire dans les actes sa vision du monde.
Dans l’intérêt de notre pays et de sa population, le Débat
National programmé, devrait regrouper autour de la Table Ronde,
les forces vives du pays pour examiner les meilleures conditions pour aller
ensemble aux élections libres, démocratiques et transparentes
qui puissent donner au peuple l’occasion de se choisir rapidement ses dirigeants
et de leur octroyer une légitimité indiscutable indispensable
par l’instaura-tion d’un Etat de droit, la relance de l’économie
et l’amélioration des conditions sociales de notre peuple, qui a
tant souffert.
SAMBA KAPUTO
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